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Archives de septembre, 2012

Lucien Rainier – Nocturne

 

 

peinture:             Max Ernst

 

 

 

 

 

Ce soir, par cette lune éteinte, à voix couverte,
le vent léger, qui rôde au milieu des roseaux,
endort, en la frôlant, l’immobilité verte
des larges nénuphars qui sont au bord des eaux ;

qui sont au bord des eaux calmes de l’étang tiède,
pleins de charme attentif et d’ennui caressant ;
où mon coeur douloureux s’attarde, guérissant
son ancienne amertume à cet ancien remède.

L’ombre est dans le silence. Un oiseau fuit. La nuit
sur tout mal lentement descend consolatrice ;
Toi qui n’as pas sommeil dans le sommeil du bruit,
pourquoi te souvenir et gémir ?… L’heure glisse.

Mais, un astre paraît dans le stagnant miroir,
lointain comme un appel, imprécis comme un rêve,
et qui naît et grandit, comme naît et s’élève,
le beau scintillement, dans l’âme, de l’Espoir !

 


Du beau ou du laid- Au choix

du beau et du laid ( au choix)…

Beauté – laideur… voila deux termes que je n’emploie quasiment jamais… c’est complètement hors de propos…

inadapté, voire injurieux envers le travail d’un artiste… car ce qui est beau ou laid, c’est un jugement de valeur, et ce qui est beau pour moi ne le sera pas pour le voisin..

Je préfère le mot être touché par… cette peinture me parle, « elle a une grâce, une lumière, une personnalité qui fait qu’elle me parle. »

..Si on prend Francis Bacon par exemple,

peinture: Francis Bacon, une  des trois  études pour  auto-portrait  1980

peinture: Francis Bacon, une des trois études pour auto-portrait 1980

puisque , il vrai que ce sont des oeuvres fortes qui me touchent personnellement, je vois des merveilles au niveau couleur, technique, expression,

… mais , qui rentrera dedans par une autre porte, n’y verra qu’horreur, mal être, tourment, désespoir, et fuira cette catégorie d’oeuvre au plus vite.

Grosso modo, elle rejettera cette vision car elle l’agresse: le sinistre, le malsain, l’horrible, ne fera pas partie de sa conception de l’art, ou plus simplement, de ce qu’il désire cotoyer . ce qu’on peut comprendre.

On peut comprendre que la vision de mal être , de torture des formes et des corps, – voir les oeuvres  d’Otto Dix- même si quelque part elles représentent la société contemporaine de son temps  ne soit pas accueillie comme un piédestal de la beauté…

peinture: Otto Dix

dont la notion « scientifique »… puisque l’avantage de la science est de présenter des données communes et vérifiables à chaque instant. – ce que ne produit pas le rapport émotif ( variable en fonction de chaque individu, de sa culture, de sa perception) — reste à démontrer

Je me pose des questions personnellement par rapport à l’esthétique tout court, et l’esthétique d’objets dits artistiques qui au départ ne sont pas du tout conçus pour être de l’ordre de l’artistique, de l’agréable, du plaire, du joli ( avec tout ce que peut comporter ce terme suranné)

…par exemple les masques et statuettes provenant d’autres civilisations que la nôtre, ceux d’Indonésie, d’ Afrique…. qui sont chargés symboliquement, c’est sûr, mais que nous ne pouvons pas lire ( n’ayant pas la culture , les codes et les croyances du pays , de l’ethnie, et de l’époque concernée )…

aboart2[1]Art aborigène-  Australie

donc nous en faisons un interprétation esthétique – voir la collection du musée Branly- présentée dans un écrin remarquable d’ailleurs… , qui évidemment nous parle, car l’expression que les artistes de ces ethnies est splendide,

ne serait-ce qu’au niveau du métier, du savoir faire, et de l’expressivité.. ( mais que dire au niveau de l’esthétique ?… rien… donc, ni beau, ni laid).

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Si on prend la série des « women » de de Kooning..

peinture  W De Kooning  -  women

dessin  –  W De Kooning – women

donc quand même une vision de la femme vue comme prédatrice, agressive, déformée – sauf avis contraire- peut on avoir un avis sur le beau et le laid ?

Cet exemple est intéressant parce qu’au cours de mon approche de cet artiste, je suis passé de l’incompréhension, à l’amour inconditionnel de son oeuvre…

c’était donc une ouverture d’esprit, qui m’a fait passer au dessus, de la notion de beau ou de laid…

C’est ce qui nous parle… que nous allons transformer en « beau ». Il n’y a pas de beau, il n’y a pas de laid, il n’y a que des oeuvres qui dialoguent avec nous et que nous lisons ou interprétons…

donc qui nous touchent, parce qu’elles nous renvoient à un écho de nous même. ce qui me fait dire, que le beau ou le laid, c’est une image de nous -même

Voir, en photo, l’univers  très particulier  de  Araki Nobuyoshi

modification,  avec  l’ajout de cette  citation du crépuscule des idoles,  de Nietzsche

Beau et laid. — Rien n’est plus confidentiel, disons plus restreint que notre sens du beau. Celui qui voudrait se le figurer, dégagé de la joie que l’homme cause à l’homme, perdrait pied immédiatement. Le « beau en soi » n’est qu’un mot, ce n’est pas même une idée. Dans le beau l’homme se pose comme mesure de la perfection ; dans des cas choisis il s’y adore. Une espèce ne peut pas du tout faire autrement que de s’affirmer de cette façon. Son instinct le plus bas, celui de la conservation et de l’élargissement de soi, rayonne encore dans de pareilles sublimités. L’homme se figure que c’est le monde lui-même qui est surchargé de beautés, — il s’oublie en tant que cause de ces beautés. Lui seul l’en a comblé, hélas ! d’une beauté très humaine, rien que trop humaine !… En somme, l’homme se reflète dans les choses, tout ce qui lui rejette son image lui semble beau : le jugement « beau » c’est sa vanité de l’espèce… Un peu de méfiance cependant peut glisser cette question à l’oreille du sceptique : le monde est-il vraiment embelli parce que c’est précisément l’homme qui le considère comme beau ? Il l’a représenté sous une forme humaine : voilà tout. Mais rien, absolument rien, ne nous garantit que le modèle de la beauté soit l’homme. Qui sait quel effet il ferait aux yeux d’un juge supérieur du goût ? Peut-être paraîtrait-il osé ? peut-être même réjouissant ? peut-être un peu arbitraire ?… « O Dionysos, divin, pourquoi me tires-tu les oreilles ? » demanda un jour Ariane à son philosophique amant, dans un de ces célèbres dialogues sur l’île de Naxos. « Je trouve quelque chose de plaisant à tes oreilles, Ariane : pourquoi ne sont-elles pas plus longues encore ? »


Retour dans un jardin d’eden ( RC )

dessin:  Hans Bellmer

 

C’est le retour dans un jardin d’eden
A l’écart des buissons, j’y ramasse des fleurs
Dont je ne vois rien,            sinon leur odeur
Me glissant sous une porte, capitonnée de laine.

Au voyage de l’obscur            … je n’y vois goutte
Il faudrait que je m’éclaire d’une bougie,
Te tenant par la main, toi,             aux joues rougies,
Quelques allers-retours, pour demander ma route…

C’est bien le chemin, je peux continuer,
Mais ne peux m’accrocher, tant les murs sont lisses…
En allant à tâtons – attention, ça glisse ! – ,
Les paroles n’ont plus cours, je vais rester muet.

Prisonnier de toi, je progresse encore
Dans un ciel, qui reste toujours obscurci,
Je me sens à l’étroit – peut-être ai-je grossi…
Je te dirai plus tard tout l’or de ton corps,

La chaleur que l’incendie parfume
La course des chevaux, que l’on monte à cru
Quand tu me presses ,          et que je rue,
Et l’océan,       de tout son poids d’écume..

Tout ce que j’ai ressenti d’un noir décor,
Eclatant d’étincelles,   bercé de tes soupirs,
Nous n’étions qu’un, lancés dans notre offrir,
A nous ruer, palpitants … en petite mort.

RC – 13 septembre 2012


Jean- François Pollet – que diriez-vous d’une île ?

que  diriez-vous  d’une île ?  (texte  visible ici),  et plus  généralement  dans   « la poesie que j’aime »

Toucher le mot gravé
Par l’humain périssable
Toucher le bout du nez
Qui vous bloque le visage

Que diriez-vous d’une île
Au contour effacé
Par la lune immobile
Que diriez-vous d’aimer ?

Aimer les temps floués
Comme un doux paysage
Aimer les cieux noyés
Sous les luttes innombrables

Que diriez-vous d’ une île ?

©Jean- François Polle