Un reflet qui se détourne de tes mains vides – ( RC )
—
C’est comme si j’avais cédé
au chant des sirènes,
et qu’après les avoir suivies
dans leur pays,
ma chanson parée
d’algues marines,
et mon sang, en eau salée .
Je me serais perdu
à moi-même,
pour toujours :
nulle part,
et partout, pourtant,
comme un sucre
quand il se dissout.
Si quelqu’un s’enquiert
de mes nouvelles,
tu lui diras que le silence
de ma voix
est couvert par celles des vagues
( tantôt tempête
ou gémissement ) .
Ton corps plongé dans l’océan ,
ne me cherche plus :
je suis quelque part
dans l’échancrure de la mémoire
comme un reflet
qui se détourne
de tes mains vides .
–
RC – avr 2018
Moondog à Manhattan – ( RC )
Pour celui qui s’est égaré dans la ville,
au pied des grands buildings,
se souvenir d’une entrevue
avec le grand viking
à l’angle de la 54è rue
( une possibilité entre mille :
il n’est jamais trop tard
pour assister au concert
en marge du progrès ):
passera un drakkar
oubliant le chant de la mer –
s’échoue sur les galets
après avoir dépassé
les temps historiques
qui n’ont plus cours
de l’autre côté de l’atlantique :
c’est le retour
du poète et musicien
surgi des heures antiques,
mariant la lune et un chien
comme dans un tableau de Miro :
un vagabond compositeur
sans impresario
coiffé d’un casque à cornes.
Dédaignant les pop-corns ,
il a traversé sans saluer
les publicités,
la statue de la liberté,
à défaut de les voir .
Broadway et ses néons
dans sa flèche oblique ,
laisse sans opinion
notre héros, dont l’allure bizarre
n’est plus de mise.
Toi qui t’es égaré dans les boulevards
errant au hasard
à travers Manhattan
tu n’as pas oublié sa musique,
flottant dans l’air électrique
parmi les fast-food
répandant au-dessus du macadam
comme un peu de poudre
dans les matins gris…
Moondog semblant sorti
tout droit de la mythologie….
A l’aplomb de l’enclume – ( RC )
( texte inspiré par celui de Susanne D… qui suit )
–
Sur tes épaules, l’imperméable,
et tu erres sur le quai,
sans but,
tu marches,
et des cales te parviennent,
les chocs d’outils heurtant la tôle,
le chant de la nuit,
en attendant
que le jour se lève .
Pourquoi es-tu attachée à la terre ?
Toi qui pourrais regarder si loin,
et t’appuyer sur l’air…
tu abandonnerais la ville,
les trottoirs humides
de la rue de Siam
pour regarder tout cela
d’en haut .
Si elles pouvaient s’exprimer,
les mouettes le diraient mieux que moi .
Tu marches dans les rues vides,
les vitrines closes sur leur opulence ,
et toujours tes pas
te ramènent vers le port ,
avec ses murailles de fer
qui se confrontent à la brume,
te parlent de voyages lointains,
de ceux qui embarquent sans repères,
passé la dernière lueur du phare,
qui s’éteint doucement
dans le fracas de la haute mer.
La pluie est l’innocence,
qui s’étale sur les rues,
et de temps en temps tu regardes
dans les glaces ta silhouette,
ou celle qui te ressemble,
qui te suit obstinément,
comme le destin.
Peut-être que la pluie arrivera
un jour à la dissoudre,
car le ciel est ton refuge,
et tu le sais.
–