A quoi bon décrire la neige ? – ( RC )
peinture Andrew Wyeth – ring road 1985
A quoi bon décrire la neige,
elle, qui ne laisse pas saisir,
ni par les doigts ni d’une autre façon ?
En me blottissant dedans,
ce serait un manteau de laine froide,
moulant les volumes de mon corps:
une empreinte que ne pourrai restituer
pour couler du bronze .
Mieux vaut l’approcher
par des chemins détournés,
la suggérer par les ombres,
et la manière qu’elle a
de cacher le dessus des objets,
adoucissant leurs formes .
S’il n’y avait pas de toit
il se pourrait qu’elle se dépose
en strates lentes,
et recouvre le bureau,
victorieuse à sa façon,
recouvrant les feuilles
qui y sont posées :
ce ne serait que revanche :
la page resterait blanche,
car… à quoi bon décrire la neige ?
Tout s’efface dans le blanc – ( RC )
Le blanc, est quelque part, une absence
Et si dans ses possibles , je me lance…
Je sors de ma coquille, et, le pourrais-je
En ne salissant pas sa neige,
Le pied le plus discret la blesse,
Même celui , léger, d’un déesse,
Une trace, une simple éraflure,
Dessine sa signature.
Elle fait vibrer la page blanche,
Quand l’écriture se penche .
Les mots s’y impriment et s’attachent,
Mettent du sens – plutôt qu’ils ne gâchent.
On pourrait dire que le blanc n’est plus,
Qu’il disparaît dans de pauvres résidus
Et qu’aussi, il s’enfuit,
Il s’agace aussi, de trop de bruit.
Mais il suffit d’un autre dimanche,
Pour que le blanc tienne sa revanche .
Il utilise les voies aériennes,
Pour que la blancheur revienne
Que des flocons s’amassent,
Partout où la plume s’enlace,
Les pensées recouvertes, se cachent.
Au coeur même du blanc – plus de taches.
Tout est tu, tout s’efface,
Qu’y a-t-il, à la place ?
Quand plus rien n’émerge,
Du paysage , retourné à l’état vierge.
Te souviens-tu d’avant,
Avant que ne souffle le vent ?
Que la neige ne se couche,
Et recouvre aussi ta bouche
– Sur la vallée immense,
Règne maintenant le silence…
Ai-je écrit en vain,
Espérant d’autres lendemains ?
Ceux qui , laissés-pour-compte,
Attendent, des glaces, la fonte.
La neige est un vaste manteau,
Qui garde pourtant au chaud,
Sous son blanc velours,
Toutes mes lettres d’amour.
–
Grande couverture blanche – ( RC )
–
Arrivée en silence
Au milieu de la nuit,
La grande couverture blanche,
Absorbe tous les bruits.
Douce et moelleuse,
De tendresse, comme s’ enlace,
Habille, en amoureuse,
Tout ce qui dépasse
Elle recouvre les noeuds les plus obscurs,
Les plis de la terre
Les carcasses de voitures,
Ainsi, les cimetières.
Coeur de la nuit phosphore,
Arbres verticaux d’immobilité,
Accrochés au bord,
Pointés dans l’obscurité,
Leur crinière de branches,
Bardée de neige, qu’on distingue à peine
Sous la nocturne étendue blanche,
Flocons-papillons, de multitude incertaine,
Se pressent dans leur chute lente,
Gommant toutes les limites,
Lointains et attentes,
Déversés, en silencieux rite…
Par centaines de milliers,
De cornes d’abondance ……
Modelé , le paysage familier,
Redessiné en confidences.
Monts et montagnes dévalent,
Et , oublient leurs failles
Que la grande couverture avale,
En négligeant les détails.
Des haillons et des fringues,
Des hêtres, des pins et ormes,
Bientôt plus rien ne se distingue,
Sous le nouvel uniforme.
Les pauvres et les riches,
Recouverts du même manteau,
Les vignobles et les friches,
Voyagent incognito,
Lorsque le blanc s’invite,
Et gomme les différences….
En métamorphose gratuite,
Quand l’hiver s’avance.
–
RC- février 2014
–
Mots en partance, aussi – ( RC )
–
Un jour, allongé de tout mon poids,
Sur la roche rude, je n’aurai d’idées poétiques,
Que celles , rebondissant sur le gravier .
Elles correspondront à mon champ de vision,
Rétréci,
Et mon corps me sera un poids..
–
Incapable de me relever,
Les chiens me flaireront,
Ils ont la pensée vierge,
Et ignorent les livres ,
Sauf à les rapporter à leur maître,
Comment ils le font avec les pantoufles.
–
J’aurais pu te confier mes secrets,
Partager encore des images,
Elles, qui se cristallisent,
En confidences et écriture,
… J’aurais été redressé sur un banc,
Encore mouillé de ses embruns marins.
Traînant encore mes vers,
Balbutiant ma langue morte,
Habitant encore, despotique,
Ma bouche, ma blessure ouverte,
–
— Pour enrober de détails inutiles,
Mon corps mourant.
Il n’y a plus de secret,
Et tu peux rire de moi,
La conversation est finie,
Le dernier chapitre s’est clos,
Je ne suis qu’un vagabond,
Allongé sur le rocher.
–
Sous un manteau gris et froissé,
A sentir le froid me saisir….,
Les mots m’ont abandonné ;
Et j’entends tes pas crisser sur le gravier,
Puis diminuer, ….. – tu t’en es allé.
Je peux fermer les yeux.
–
RC – 18 novembre 2013
–
Michaël Dickman – où nous vivons.
Où nous vivons —
* J’avais l’habitude de vivre dans une mère maintenant je vis dans un tournesol
Aveuglé par l’argenterie
Aveuglé par le réfrigérateur
Je suis assis sur un trottoir dans le tournesol et son averse jaune.
La lumière du monde perle sur une feuille verte parfaite
Elle griffonne son nom sur chaque chose vivante
il l’efface ensuite
et ce qui reste n’est plus d’un murmure d’une mère
–
Ici c’est le printemps
Maintes et maintes et maintes fois
J’avais l’habitude de vivre dans un nuage
maintenant je vis dans un corbeau
Il est minuscule et perclus de là,
mais je ne peux trouver mon chemin
pour la salle de bains dans le noir
quand je dois y aller
–
Toutes les fenêtres du corbeau sont restées ouvertes
et laissent entrer les nuages .
De retour Ils flottent ,passé mon lit et je n’ai rien à dire
Bonjour , ravi de vous rencontrer!
À partir d’un poteau de téléphone
les langues glissent en chantant bienvenue dans la maison
Bienvenue dans la maison , chantent-ils
–
-J’avais l’habitude de vivre
dans un arbre
maintenant je vis dans un roi
Il agite ses bras devant lui
et les migrations sans fin d’oiseaux
disparaissent dans son manteau
–
J’aime m’asseoir à l’intérieur de sa couronne ,
manger des sandwichs et regarder la télévision
Les collines se serrent dans la distance
quand il se mélange les pieds
les inondations quand il claque des doigts
Je m’incline à l’intérieur de son front
et l’après-midi s’étire.
–
Commandant encore plus de sandwiches
Et vendant des esclaves
et rendant les esclaves libres
et vendant des esclaves.
( Trad RC ) ———
—– Where we live. I used to live in a mother now I live in a sunflower Blinded by the silverware Blinded by the refrigerator I sit on a sidewalk in the sunflower and its yellow downpour The light of the world beads up on one perfect green leaf It scribbles its name on every living thing then erases it so what’s left is more of a whisper than a mother Here it’s spring Over and over and over again I used to live in a cloud now I live in a crow It’s tiny and crippled in there but I can find my way to the bathroom in the dark if I need to All the windows in the crow are left open and let the clouds in Back in They float past my bed and have nothing to say Hello it’s nice to meet you! From a telephone pole tongues slide out singing welcome home Welcome home they sing • I used to live in a tree now I live in a king He waves his arms in front of him and endless migrations of birds disappear into his coat I like to sit up inside his crown eating sandwiches and watching tv Hills shake in the distance when he shuffles his feet Floods when he snaps his fingers I bow inside his brow and the afternoon stretches out Orders more sandwiches And sells the slaves and sets the slaves free and sells the slave